Histoire jusqu'à l'Apocalypse
Benjamine d’une sororité de quatre filles, Emily naquit le quinze octobre deux mille six à Dallas. Ses deux demi-sœurs, issues du premier mariage de leur père, se trouvaient plus âgées de plus d’une vingtaine d’années comparée à la petite blonde. Son père, cinquantenaire, avait un bon poste en tant d’ingénieurs dans le domaine de l’automobile. Sa mère, quant à elle, n’atteignit même pas la trentaine quand elle mit au monde la petite blonde. Elle exerçait le métier de secrétaire dans une clinique vétérinaire.
La sœur pénultième de la famille, Isabella, avait trois ans de plus qu’Emily, et ne s’entendait pas réellement avec cette dernière. Tout comme leurs deux demi-sœurs qui ne réussirent jamais à digérer le fait que leur père ait fondé une autre famille. Malgré ces rancœurs muettes, la famille se retrouvait régulièrement pour diverses occasions, comme l’enterrement du fiancé de Jane, l’aînée, ou pour les naissances et baptêmes des enfants d’Olivia, la cadette, ou encore son mariage.
La scolarité d’Emily eut l’image de cette dernière, silencieuse. La petite Texane avait quelques amis avec qui elle s’entendait bien, mais elle passait une grande partie de son temps libre à lire, préférant sans doute la compagnie des livres à celle des autres enfants. Des copines chez qui elle allait passer quelques soirées pyjama régulièrement. Les années passèrent, la jeune écolière demeurait studieuse, travaillant afin de rendre ses parents fiers, ce qui restait l’un de ses principaux moteurs.
Elève dans le panier moyen, l’adolescente montrait cependant des facilités dans les disciplines artistiques et commença même à jouer du piano. Loin d’être une virtuose, elle réussissait tout de même à impressionner certains de ses camarades. Emily rencontra son premier petit ami au milieu de l’adolescence, Joshua. Ils se séparèrent néanmoins quelques mois plus tard. C’était cette année-là que sa sœur, Isabella, quitta son école pour vivre avec son petit copain en Californie. Seule Emily savait où se trouvait sa sœur, et elle dut trahir la promesse faite à Isabella pour que ses parents la retrouvent dans un taudis. Même si la fugueuse réalisa bien rapidement que revenir chez ses parents fut la meilleure chose pour elle, la petite blonde ne réussit jamais à se faire pardonner auprès de sa sœur.
Le père de la petite blonde eut des problèmes de santé peu de temps avant que cette dernière ne parte à l’université. Des problèmes de cœur qui purent être rapidement pris en charge, ne mettant pas en danger la vie de son cher père, mais qui impactèrent le moral de la jeune femme. Si elle souhaitait demeurer la jeune étudiante studieuse qu’elle était, elle éprouva des difficultés durant cette fin d’année scolaire, s’éloignant progressivement des quelques amis qu’elle avait encore.
La Texane entra à l’université d’art de Dallas et commença son année, quant au milieu de cette dernière, les médecins diagnostiquèrent un cancer de prostate à son père. Ses parents décidèrent donc de quitter la grande ville pour partir à Longview. Son père à la retraite s’occupait comme il pouvait, même s’il passait la plupart de son temps à se reposer, tandis que sa mère trouva un nouvel emploi en tant que secrétaire dans un cabinet dentaire. Isabella, quant à elle, trouva quelqu’un d’autre et resta à Dallas. Emily, quant à elle, abandonna son école pour venir habiter avec ses parents, pour s’occuper de son père, qui malgré ses dires, avait quand même besoin d’aide et de surveillance, mais surtout pour éviter de rester seule dans la grande ville qu’était Dallas. Il ne fallut pas plus de quelques mois pour que son père soit à nouveau victime du cancer, cette fois-ci, son poumon droit était touché. Une opération se voulait nécessaire, une opération dont il ne se réveillerait jamais.
À la suite du décès du père d’Emily, de nombreux différends éclatèrent au sein de cette famille recomposée. Les discordes entre sa mère et ses demi-sœurs rongèrent Emily qui ne cessait d’épauler sa mère. Les années qui suivirent furent difficiles pour les deux femmes. Sa mère décida de quitter Longview pour se rapprocher d’Isabella, sa sœur restée à Dallas et qui avait créé, avec son petit ami, une entreprise dans le secteur de l’évènementiel. La blonde resta sur place, n’osant pas revenir auprès de sa sœur avec qui elle n’avait quasiment plus aucun contact. Voir sa mère la quitter alors qu’Emily avait tout abandonné pour l’aider, elle et son père, quand ils en avaient besoin était très difficile. Elle vit cela comme un abandon, un abandon qu’elle ne put jamais surmonter.
Emily travaillait dans un Five Guys et s’entendait bien avec certains de ses collègues. Elle commençait à sortir, à rencontrer du monde, des amis de ses collègues, puis des amis de ceux-ci. De fil en aiguille, elle rencontra Mickaël, avec qui elle restera trois ans, avant que ce dernier ne la trompe. Elle fera aussi la connaissance de Lynn, une jeune femme qui travaillait en tant que serveuse dans un restaurant chinois de la ville. La jeune employée de fast-food réussit à trouver un emploi dans ce restaurant en cuisine. Elle travailla dur pour devenir cuisinière, suivant une formation éclair pour réussir les quelques plats asiatiques qu’elle dut répéter plusieurs milliers de fois.
Elle continua néanmoins de prendre des nouvelles de sa mère, malgré la distance, même si les contacts se voulaient de plus en plus espacés par le temps. Cependant, les appels devinrent bien plus nombreux au début du mois d’avril deux mille trente-quatre, quand la catastrophe commença à frapper le pays. L’inquiétude et l’anxiété gagnèrent la jeune femme qui souhaitait rejoindre sa mère et sa sœur, résidant toujours à Dallas. Sans véhicule, la possibilité de se retrouver devenait de plus en plus complexe. Si la question d’emprunter les transports en commun pour les rejoindre fut envisagée, sa mère l’en dissuada rapidement. Entrer en contact avec du monde et des inconnus était un pari bien trop risqué, c’est pour cette raison que le fiancé d’Isabella décida de venir la chercher directement à Longview pour emmener tout ce beau monde à Corpus Christi, où il pourrait trouver le bateau d’un de ses clients pour tenter d’embarquer afin de rejoindre une île. Ils prirent la route le 15 avril 2034 en direction du domicile d’Emily.
Seule dans son appartement avec son chat Kumo, Emily contactait tous les jours sa mère. Leur avancée se voulait lente compte tenu du fait qu’ils résidaient au sud-ouest de Dallas. Les grandes routes se trouvaient bouchées, comme si tout le monde eut la même idée de fuir les grandes villes avant qu’elles ne subissent le même sort des métropoles. Les meubles barrant l’entrée de son appartement au troisième étage d’un immeuble, la jeune blonde restait cloitrée chez elle, restant la majorité de temps face à son poste de télévision, écoutant les nouvelles complètement anxiogènes que diffusaient toutes les chaines qu’elle regardait.
Appelant sa mère plusieurs fois par jour, l’inquiétude gagnait de plus en plus la jeune femme en apprenant les nombreuses difficultés auxquelles firent face les membres de ce petit groupe. Il leur fallut deux jours entiers pour rejoindre Emily, deux jours durant lesquels ils se relayaient pour conduire, jour et nuit. Si les deux sœurs ne s’entendaient pas vraiment, la fin du monde les rapprocha. Ils se reposèrent une journée, firent le plein de vivres et repartirent ensemble le 18 avril 2034.
Les mauvaises nouvelles ne cessèrent de pulluler sur les réseaux sociaux, les chaines de télévision et les émissions de radio. Ils évitèrent les grandes villes, craignant d’être à nouveau bloqués ou ralentis dans leur expédition, ils empruntèrent donc les plus petites routes, effectuant de très – trop – nombreux détours. Les détours et les petites routes, censés leur faire perdre du temps, leur permirent d’atteindre Corpus Christi en deux journées de route supplémentaires. Malheureusement pour eux, il était trop tard, et plus aucun bateau capable de prendre la mer pour leur faire longer la côte jusqu’à la Floride, puis jusqu’aux Bahamas, ne se trouvait là.
Ne se laissant pas à abattre, le fiancé d’Isabella amena tout ce petit groupe à proximité de Refugio, à moins d’une centaine de kilomètres d’ici, où se trouvaient un grand nombre de vignobles pour lesquels il lui arrivait d’organiser certains évènements. Ils y arrivèrent dans la soirée, sans rencontrer trop de difficultés sur les petites routes qu’ils prirent l’habitude d’emprunter. Quelques individus étaient présents en ces lieux, les propriétaires, quelques employés qui préféraient rester en ces lieux avec leur famille plutôt que chez eux et une poignée de personnes qui s’étaient arrêtés ici. Au total, ils devaient être une petite trentaine et l’arrivée du quatuor, si elle semblait en déranger quelques-uns, fut accueillie avec bienveillance par les propriétaires des lieux, visiblement âgés.
Tout le monde au vignoble évitait de trop écouter les nouvelles afin de ne pas sombrer dans le désespoir, mais Emily, elle, ne pouvait pas s’empêcher de s’informer régulièrement. Il ne fallut qu’une semaine de plus pour que les bombardements s'intensifient et que la folie s’imprègne du cœur des hommes. Face à toutes ces nouvelles, la blonde eut pour la toute première fois une crise de panique. Malgré le mal que lui procuraient ces informations, et même en sachant que d’autres ici les regardaient, elle ne pouvait pas s’en passer, elle avait besoin de savoir. C’est pourquoi elle fut extrêmement anxieuse quand Internet et la télévision cessèrent d’émettre.
Ils n’eurent plus aucun moyen d’information à ce stade, et si dans un premier temps la jeune cuisinière semblait tourmentée, les occupations au vignoble détournaient brièvement son attention, lui permettant de ne plus faire de crise de panique. Les jours passaient et de nombreuses autres personnes vinrent remplir la vieille bâtisse. Si personne n’était refusé, au bout d’une semaine, une dizaine de personnes décida de prendre la route, ils préféraient tenter leur chance eux-mêmes, loin d’une charité qui pourrait leur être fatale.
Des tensions éclatèrent quand la nourriture commença à être rationnée, car certaines personnes estimaient mériter plus que d’autres. Le premier mai 2034 au matin, le propriétaire du vignoble s’aperçut que de nombreuses personnes manquaient, mais surtout, qu’une grande partie des vivres aussi. Ce fut la principale raison qui poussa les occupants à partir en expédition à la recherche de nourriture, malheureusement, la majorité des lieux furent pillés, et s’ils réussirent à trouver de quoi tenir pendant quelques jours de plus, ce n’était pas suffisant.
Ils reçurent la visite de plusieurs infectés le sept mai, provenant du Sud. L’horreur frappait à leur porte. S’ils n’étaient qu’une poignée ce jour-là, les morts se montraient de plus en plus nombreux chaque jour. Ils réussirent à éliminer ces rôdeurs, mais ils durent concentrer leurs efforts sur la défense des lieux, ce qui ralentissait leurs expéditions qui devenaient bien plus dangereuses. Les stocks de nourritures s’amenuisèrent, obligeant le groupe à rationner leurs vivres.
La faim commençait à devenir plus inquiétante que les marcheurs, et des petits groupes décidèrent de quitter le vignoble en quête de nourriture. Si plusieurs expéditions furent menées à bien, trois personnes perdirent leur vie à cause de ces sorties. Deux restèrent sur place, et le dernier se transforma au vignoble à la suite d’une griffure. Malgré les risques évidents que comportaient ces sorties, mourir de faim n’était pas une option et la mésentente entre les réfugiés grondait. Certaines personnes restaient toujours au vignoble pour fortifier les lieux ou s’occuper des plantations, mais les personnes qui quittaient l’abri estimaient que les risques pris étaient bien trop différents.
C’est en partie pour cette raison qu’Isabella et son fiancé partirent en expédition le dix-huit mai à la recherche de provisions, mais ne revinrent jamais. Emily partit avec trois autres personnes à leur recherche, dans l’espoir de s’être trompée, mais surtout, d’apporter une quelconque nouvelle qui consolerait sa pauvre mère. Ils étaient quatre à partir avec deux véhicules, un monospace et un fourgon. Si consommer plus d’essence pouvait leur permettre de ramener de quoi survivre bien plus longtemps, ils n’allaient pas passer à côté.
Le petit groupe se dirigea vers Goliad, petite ville au nord où le couple devait se rendre. Si des silhouettes se baladaient dans les rues, les véhicules firent un tour rapide des environs avant de se garer à proximité d’un restaurant où les grilles fermées semblaient intactes. Ils tentèrent de forcer ces dernières, mais ils n’avaient pas prévu les outils pour ce genre d’opérations. Les morts affluaient, Emily tenait le rôle de vigie et supplia les autres de quitter les lieux quand elle les vit arriver par dizaines.
Remontant dans le fourgon, elle sursauta en entendant un cri derrière elle. Rouvrant la porte pour se précipiter à l’extérieur, elle vit l’un des hommes avec qui elle était venue, le conducteur du fourgon, venait de se faire griffer par l’une de ces créatures. La main de l’infecté venait de griffer son mollet et le maintenait au niveau de la cheville. Alors qu’elle courait pour aider son comparse, elle entendit un véhicule partir en trombe, il s’agissait du monospace. Paniquée, la jeune femme courut aider son compagnon d’infortune alors que les morts convergeaient vers leur position. Donnant des coups de pied au bras de l’infecté, elle réussit à libérer le condamné en écrasant du plat de son pied le poignet du rôdeur.
Malheureusement pour eux, les marcheurs devenaient de plus en plus nombreux aux alentours, et certains se mettaient entre eux et leur véhicule. Max, l’homme à ses côtés fit usage de son arme pour en éliminer quelques-uns alors qu’ils réussirent à monter dans le fourgon. Tentant de s’échapper comme il le pouvait, le conducteur tapa plusieurs morts et ne réussit à faire qu’une simple centaine de mètres avant de s’arrêter net après un choc frontal avec un panneau leur indiquant que la prochaine ville se trouvait à une quinzaine de kilomètres.
Emily sombra dans l’inconscience une fraction de seconde à cause de l’airbag qui venait de se déclencher, elle tenta de réveiller le conducteur, sans succès. Les râles pressèrent la blonde qui quitta le véhicule. Dès que la pointe de son pied toucha le sol bétonné de cette rue, elle chavira en avant, une main se saisit de sa cheville droite et amena la jeune femme au sol qui se cogna la tête. Elle sentit la déchirure infligée par les ongles de la créature sur son mollet et répondit par des coups de pied répétés jusqu’à ce qu’elle puisse s’extraire des griffes de cette monstruosité.
Se redressant in extremis, elle ne put constater tout autour d’elle qu’une marée de cadavres convergeait en sa direction. La blonde se retourna, s’avança vers le capot du véhicule pour y poser ses mains, son pied se posa au niveau du phare pour s’en servir comme d’une marche avant qu’elle n’atteigne ce capot légèrement enfoncé. Malgré la douleur, elle grimpa sur le toit de ce fourgon utilitaire de deux mètres quarante et resta debout, le regard fixé sur les dizaines et dizaines de morts qui se massaient autour d’elle. Leurs mains ne purent l’atteindre, certains doigts se posèrent sur les rebords de ce toit, mais elle ne finirait pas déchiquetée par ces ignominies.
Les larmes coulèrent le long de ses joues alors qu’elle s’asseyait, au milieu de cette horde, où ses pleurs furent couverts par les râles de ces créatures. Elle s’allongea quand la fièvre devint trop forte, et ses propres sanglots se perdaient dans ses propres suffocations alors que la jeune femme cherchait à reprendre son souffle. Ses dernières pensées furent pour sa mère, qui perdit ses deux filles en quelques jours et qui ne pourrait sans doute jamais faire son deuil.
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