Haut d'un mètre quatre-vingt-six, James était autrefois un sportif dans l'âme au physique athlétique. Touché plus tard par l'inactivité et la solitude accompagnant sa dépression, sa bonne musculature se sera tassée autour d'un poids correct (85 kg), cependant, les affres de la survie post-résurrection l'auront ramené à une mise en forme plus robuste. C'était une personne à l'apparence assez bienveillante malgré la tristesse exprimée par ses yeux d'un bleu clair, conséquences d'un passé difficile. Il n'était pas le genre d'homme dont on se méfie au premier abord, au contraire ; à raison, car il était sans doute meilleur humainement que la plupart de ses congénères, et ce, en dépit de certaines barrières que les souffrances vécues à Snyder l'ont contraint à franchir et qu'il ne parvenait pas à se pardonner.

Sa chevelure châtain lisse et harmonieuse malgré l'absence d'entretien, son air pensif et sa barbe fournie lui donnaient une aura de sagesse. Bien qu'il demeurait mentalement poursuivi par ses anciennes blessures et les méandres de sa dépression, c'était une personne qui avait tendance à sourire, certes les lèvres fermées et avec peu de franchise, mais sincèrement. Sa démarche était sûre en soi, mais lourde, comme si il portait le poids du monde sur ses épaules. C'était quelqu'un d'attentionné envers les autres et les détails qui l'entouraient, prenant plaisir à scruter les belles vues de la nature, ou à apprécier l'air sain ; soucieux des choses simples.

Ses gestes minutieux trahissaient un passé particulièrement manuel et délicat de chirurgien, alors que, paradoxalement, ses mains grandes et épaisses semblaient avoir été faites pour la confrontation. Il fut un homme prompt à regarder ses interlocuteurs dans les yeux, comme pour explorer leurs âmes et dévoiler leur être profond, et ses expressions étaient assez claires, ne cachant guère ses émotions de l'instant. Sa façon d'observer les autres lorsqu'il se sentait peiné ou attristé donnait l'impression de retomber en enfance, face à un de ces éducateurs préoccupés et investis, aisément touchés quand ils étaient déçus. Sa voix était posée, par moment soucieuse, parce que lui-même s'inquiétait pour ceux qu'il côtoyait, mais apaisante et tranquille dès lors qu'il n'y avait pas de raison de s'affoler.

James pouvait être résumé de cette manière : un pédagogue dans l'âme, en dépit de ses maladresses, loin de vouloir imposer des paroles autoritaires ou une volonté impérieuse. Un homme particulièrement empathique qui ne pouvait s'empêcher de ressentir la souffrance des autres et de vouloir aider son prochain, au détriment de lui-même bien souvent, et parfois, au risque de s'attirer au contraire l'animosité d'autrui ; quiproquos et états d'esprit ne s'accordant pas toujours. En constante recherche de moralité et de justice, à sa modeste échelle, il pouvait s'y borner contre la faim et le froid, et contre sa propre survie, ce qui n'était guère pour faciliter son existence.

L'ex-chirurgien s'efforçait, tant bien que mal, de pousser les autres à exprimer le meilleur d'eux-mêmes, afin de motiver et préserver en parallèle le meilleur de sa propre personne ; quoiqu'il était prompt à se sous-estimer et donner une faible valeur à sa vie. Il mit par ailleurs un pistolet dans sa bouche peu de temps après son retour parmi les vivants, peinant à accepter la réalité en tant que telle, ainsi que ses échecs et ce qu'impliquait sa nouvelle condition, frôlant le suicide. Il y renonça, ce jour-là et tous ceux qui suivirent, l'amour trouvé l'y aidant.

Malgré sa tolérance parfois excessive, une profonde colère demeurait tapie au fond de lui et ressortait par temps d'attitude ou d'acte coupable qu'il ne supportait pas, ce qui pouvait le pousser à céder à une rage plus ou moins vive. Incapable de savoir si cela relevait d'un mal ou d'un bien, selon les circonstances, son instinct l’exhortait à lutter contre cet aspect de sa personnalité qui avait tendance à l'effrayer, de peur de devenir ce qu'il cherchait à combattre ; une âme vindicative perdant de vue les véritables tenants de ce qui constitue le bien sur Terre. Tiraillé entre un réalisme douloureux et une foi que tout le ressentiment du monde ne pouvait briser, James s'était raccroché aux écrits bibliques pour ne pas voir s'effondrer quelques convictions qui lui restaient, alors que tous ses repères avaient été plus sûrement réduits en poussière. Dans l'humilité de sa croyance religieuse, il lui semblait cimenter son humanité.

Adepte de l'adage : « il n'y a pas de qualité ou de défaut, il n'y a que l'abus » - James tâchait, au mieux de ses faibles moyens matériels, de trouver le juste équilibre dans ses décisions, ses actes et ceux des autres, l'amenant perpétuellement à l'obstacle de la nature humaine faite dans l'excès. Un homme persuadé par sa vision de l'espoir et de l’intérêt de le transmettre coûte que coûte. Conscient que rien ne sera jamais apaisé, que même si l'apocalypse était surmontée il y aura toujours de la souffrance et de la cruauté dans ce monde, il avait pris le contrepied du refus de l'abandon comme d'autres le feraient et prônait la nécessité de se battre et de faire du mieux possible pour apporter une certaine stabilité, au sens souvent abstrait, dans tout ça. Savoir jouer son rôle pour protéger la vie, contre la mort de l'homme et de son âme ; si tant est qu'il y ait encore quelque chose de valable à secourir chez la plupart.

Pour lui chaque vie innocente de crime sauvée, chaque moment de bonheur et chaque pensée d'espoir constituaient d'absolues victoires ; une motivation qui l'aura poussé à faire tout ce qu'il pouvait pour défendre ses valeurs et préserver son entourage, jusqu'à la fin.