Histoire jusqu'à l'Apocalypse
Été 2010 à 2022 – Naissance à 12 ans La vie Texane par excellence :Chelsea a grandi dans une famille traditionnelle et religieuse, composée d'une mère enseignante et d'un père s'étant engagé dans les forces de l'ordre. Les Harris jouissaient d'une situation assez confortable pour s'offrir une belle maison avec un grand jardin. Dès son plus jeune âge, sa mère l'inscrivit à l'école Montessori, où elle enseignait, en utilisant ses privilèges pour lui offrir la meilleure éducation possible. C'est dans cette maternelle que Chelsea a fait ses premiers pas, formé ses premières amitiés et prononcé son premier mot, « manger », plutôt que « maman » ou « papa ». Enfant joyeuse et indépendante, Chelsea aimait sa propre compagnie et passait des heures à feuilleter ses livres d'images, coiffer ses poupées et chanter les airs de son Disney préféré, « La Belle et la Bête ». Son père, même s'il était moins impliqué dans son éducation, aimait faire en sorte de passer du temps de qualité avec sa fille et il lui apprit à faire du vélo, construire une cabane, jouer au basket, et plus encore. Elle était proche de sa mère comme de son père, l'amour inconditionnel et l'attention dans laquelle baignait Chelsea lui ont laissé un souvenir d'une enfance heureuse. La famille Harris ressemblait à la famille américaine parfaite.
Chelsea avait huit ans lorsque sa mère tomba enceinte. Elle donna naissance à un petit garçon nommé Joshua, mais la grossesse ne se déroula pas facilement. Sa mère dut arrêter de travailler en raison de complications et passa les derniers mois alitée. La petite aimait se rendre utile et aida sa mère autant qu'elle le pouvait en lui apportant de quoi grignoter au lit et en lisant des histoires à elle et au bébé. Cependant, après la naissance de celui-ci, le couple se rendit rapidement compte que quelque chose clochait chez le nourrisson et qu'il n'était pas aussi vif et éveillé que sa grande sœur l'était au même âge. Après de nombreux rendez-vos chez le médecin de famille, le verdict était sans appel. Joshua souffrait de surdité de naissance. Malgré une tentative de chirurgie onéreuse ratée, le coût élevé des soins médicaux américains empêcha la famille d'obtenir un implant cochléaire pour leur fils, ce qui lui aurait permis d'entendre les sons à nouveaux. La famille apprit donc le langage des signes et Joshua dut suivre toute son enfance une scolarité adaptée. Cependant, en dépit de leur situation financière qui en avait prit un coup, Chelsea, de son côté, continua sa scolarité en école privée et profita de la liberté sans précédent qu'offrait celle-ci.
Traditionnellement, la famille Harris ne manquait aucune messe dominicale et après chaque célébration,"Papa Harris", organisait ensuite un barbecue pour tous les membres de la famille dans son jardin. En grandissant, Chelsea s'est avérée être une enfant exemplaire, toujours prompte à engager la conversation avec les adultes et curieuse de tout. Elle aimait poser de nombreuses questions et montrait un réel intérêt pour n'importe quel sujet abordé.
2022 à 2028 - 12 à 18 ans L'adolescence n'est facile pour personne:Malgré les difficultés financières que la famille Harris a rencontré en raison des coûts élevés liés à l'éducation de leurs enfants, ils ont réussi à maintenir leur situation stable pendant plusieurs années. Cependant, les dépenses supplémentaires liées à l'école spécialisée de Joshua et à l'école privée de Chelsea ont fini par les endetter, les obligeant à vendre leur maison et à déménager dans un logement plus modeste. Le changement a été difficile pour Chelsea, qui a dû abandonner son école privée et fréquenter une école publique dans son nouveau quartier. Cette transition l'a mise à rude épreuve, car elle s'est retrouvée séparée de ses amis et de son environnement scolaire familier. De plus, le passage d'une école Montessori à une école publique l'a rendue vulnérable aux critiques et aux moqueries de ses camarades, ce qui a eu un impact négatif sur son estime de soi. Elle a rapidement été prise en grippe et harcelée par ses camarades, ce qui a rendu son expérience scolaire très difficile.
Après une année difficile soldé par une phobie scolaire, la mère de Chelsea a décidé de la déscolariser et de quitta son travail d'enseignant afin de lui donner des cours à la maison. Ce changement a été une bouffée d'air pour l'adolescente, qui avait rapidement échoué à l'école publique et se sentait de plus en plus isolée et découragée. Grâce à l'enseignement personnalisé de sa mère, Chelsea a retrouvé confiance en elle et est redevenue la fille joyeuse et heureuse qu'elle était avant. Bien que la famille Harris traversait des moments difficiles, ils se soutenaient mutuellement et considèrent leur famille comme leur priorité absolue. Ils n'abandonnèrent pas leurs traditions familiales et malgré leurs finances limitées par le seul salaire de leur père, celui-ci suffisait tout juste à couvrir leurs dépenses de base. Ils retrouvèrent rapidement une vie familiale heureuse et harmonieuse. Avec le temps, Chelsea se découvrit alors une grande facilité pour les mathématiques et c'est avec le soutien de sa mère qu'elle poursuivit ses études secondaires en ligne depuis le confort de la maison.
Auparavant une enfant très sociale, elle préférait désormais passer du temps seule à lire des livres ou à traînasser devant la télé plutôt que de fréquenter les adolescents qui lui avaient causé tant de souffrance. Ses parents étaient conscients que sans ce déménagement, Chelsea n'aurait pas eu tant de souffrance et pour soulager leur culpabilité, ils lui offrirent une console de jeu vidéo. Ce qui était justement ce dont elle avait besoin, trouvant dans les jeux vidéos la manière parfaite de se distraire et s'évader. Toutefois, la petite fille curieuse qu'elle était se fit vite piqué et chercha à comprendre le fonctionnement de la console et cette pensée prenait de plus en plus de place dans son esprit, Tellement qu'un jour sur un coup de tête, elle alla se servir des tournevis qui étaient entreposés dans le garage familial et la démonta. Ce qu'elle vit à l'intérieur de l'aida pas vraiment à comprendre comment fonctionnait réellement, mais elle fut fascinée par ce qu'elle y vit. Tous ces circuits, processeurs et autres barrettes de mémoire vive avaient éveillé en elle une nouvelle passion. Bien évidemment, inutile de souligner qu'après cette expérience, la console n'était plus utilisable au grand désespoir des Parents Harris qui avaient dépensé une somme conséquent pour la lui offrir. Ils la gardèrent tout de même car Chelsea leur avait promis qu'un jour elle la réparerait. (Spoiler, elle ne l'a jamais fait)
Septembre 2028 à Mars 2034 : 18 à 24 ans L'adulescence, où comment se préparer à vivre une parfaite vie d'adulte :Chelsea avait nourri cette fascination pour la technologie et les sciences et brillait de par ses notes. Elle savait depuis très tôt qu'elle allait mettre tout en œuvre pour suivre des études supérieures dans cette matière, elle avait passé des heures à explorer les options universitaires et préparer un solide dossier de candidature qu'elle a envoyé aux meilleures universités de l’État. Après de nombreux examens, elle fut aux anges de découvrir qu'elle avait été acceptée en tant que boursière pour étudier à l'Université d'Alabama, reconnue comme l'une des meilleures pour les études en génie électronique et informatique, elle ne put retenir ses larmes de joie en ouvrant la lettre d'admission.
Elle ne put également retenir ses larmes de tristesse le jour de son arrivée au campus, accompagnée de sa famille. Bien que proche d'Austin, elle s'apprêtait à vivre six années d'études intensives loin de tous ceux qu'elle aimait. Cependant, son dévouement à réaliser son rêve et sa détermination à réussir ses études étaient inébranlables et elle ne manquait jamais de rendre visite à sa famille pendant les vacances scolaires, bien que la majeure partie de son temps était consacré à étudier.
La peur de l'échec et d'être rejeté par son nouveau milieu scolaire était présente dans l'esprit de Chelsea au vu de son passé, mais elle fut rapidement remplacée par la découverte de nouveaux amis et camarades, qui étaient tout autant passionnés qu'elle et avec qui le interactions sociales furent facilités. Elle noua également ses premières relations amoureuses au sein du campus, bien que ces dernières restaient superficielles en raison de la place primordiale accordée aux études par tous les étudiants et de l'éducation conservatrice de Chelsea.
Ces dernières années furent marquées par de nombreux moments de bonheur et de réussite pour la famille Harris. Chelsea avait réalisé son rêve d'étudier dans une université prestigieuse et profita pleinement de cette expérience. De plus, son frère Joshua, bien qu'ayant rencontré lui aussi quelques difficultés scolaires à cause de son handicape, avait lui aussi un avenir prometteur. La mère de Chelsea avait également retrouvé un emploi stable et le père avait gravi les échelons pour devenir lieutenant. En somme, après des années difficiles, tout semblait aller pour le mieux pour la famille Harris. Rien ne semblait pouvoir être plus dur que ce qu'ils avaient déjà vécu.
1er Avril 2034 Chelsea était plus que déterminée à réussir sa dernière année universitaire et était prête à relever les derniers défis qui se dressaient sur sa route. Bien qu'elle avait accumulés autant de crédits que nécessaires à l’obtention de son diplôme, le plus dur restait à venir et elle travaillait depuis des mois sur un projet d'intelligence artificiel qu'elle devait présenter afin de valider sa dernière année.
Le calendrier universitaire avait prévu le mois d'avril comme mois libre pour permettre aux seniors de célébrer Pâques en famille et de se concentrer sur la fin de les plus gros examens à venir. Chelsea avait choisi de travailler avec Marlène, une collègue de classe qui habitait à quelques heures d'Austin, avec qui elle avait sympathisé durant sa première année en Alabama. Elles avaient convenu de passer ces deux premières semaines libres à Vidor, à quelques minutes de Beaumont, où habitait Marlène, afin de peaufiner les derniers détails de leur examen final. Après quoi Chelsea reprendrait alors la route pour Austin pour fêter Pâques en famille et continuer d'étudier depuis chez elle.
Les premières attaques se font entendre à Los-Angeles, sans trop inquiéter les étudiantes et leur familles qui ont cru en la théorie de l'ingestion de drogue.
14 au 18 Avril 2034 – Week-end de Pâques Chelsea était impatiente de retrouver sa famille pour célébrer Pâques. Elle avait bûché durant deux semaines non stop de chez Marlène pour terminer leur projet scolaire et avait bien besoin d'un week-end de repos. Bien qu'inquiète face aux nombreuses vidéos qui circulaient partout sur internet qui annonçaient que la première rumeur d'une prise de drogue fut vite remplacé par la crainte d'une attaque biologique pouvant se propager très rapidement. Elle était donc plus qu'heureuse de pouvoir à nouveau serrer ses parents et son petit frère dans ses bras afin de pouvoir profiter de cette période de fête en famille.
Dans ce contexte angoissant, la famille Harris se rendit traditionnellement à la messe pour commémorer la résurrection du fils de Dieu et partagea un barbecue comme a leur habitude, entourés de leur famille élargie. Les conversations ce week-end là ne tournaient qu'autour de l'actualité, mais bien que la situation semblait s'aggraver chaque jour, beaucoup restaient convaincus que le Texas n'allait pas être touché au vu de sa situation géographique et de son caractère très rural. Chelsea essayait elle aussi de rester positive à sa manière, tout en restant prudente. Cependant, dans le nord du pays, la situation était devenue plus grave et certains parlaient déjà de la fin du monde.
21 avril 2034 « Tu es prête ? On y va. » Chelsea remonta ses lunettes de repos qu'elle portait habituellement lorsqu'elle se saignait les yeux sur l'écran de son ordinateur. Alors que les États tombaient les uns après les autres, l'étudiante comme le reste de sa famille restait persuadée que le Chaos qui sévissait ailleurs ne les atteindrait pas. L'actualité ne la détournait pas encore de son objectif et elle continuait de travailler sur son dernier travail universitaire. « Oh déjà ?... Oui j'arrive » Marmonna-t-elle en regardant l'heure sur son téléphone afin de vérifier par la même occasion qu'aucune notification importante l'attendait. Comme tous les dimanches, la famille entière se rendait à la messe dominicale et, malgré les nouvelles angoissantes de l'épidémie qui ne cessait de progresser dans le nord du pays, celle-ci étaient maintenue pour l'instant.
Sur la route pour l'église, un lourd silence régnait dans la voiture, alors que leur père conduisait. Ce silence fut brisé par lui-même après quelques kilomètres parcourus :
« C'est plus gérable, ma brigade a été demandée en renfort à Houston » Les yeux de tous s’écarquillèrent de surprise.
« Y'a des cas à Houston ? » Demanda sa mère d'une voix fébrile
« Pour l'instant non. » Répondit sèchement son père.
« Mais ils ont de la peine à gérer les débordement de foule et vu qu'on a aucun problème du genre ici, on est réquisitionné.» En effet, Houston ne jouissait pas du même calme qu'Austin et sa population sombrait peu à peu dans la folie : les gens se mettaient à piller les magasins de peur de manquer de provision et maintenant, il ne suffisait d'un rien pour qu'ils dégainent leur arme et fasse appeler la légitime défense. Chelsea resta silencieuse quelques secondes, les yeux fixés dans le vide, avant d'être tirée de ses pensées par Joshua, son petit frère sourd, qui tapa dans ses mains pour attirer son attention. Il avait perçu le changement d’attitude et demandait à ce qu'on lui explique. Son visage se ternit à son tour.
« Tu seras de retour pour l'anniversaire de ton fils? » Continua leur mère.
« Bien sûr chérie... Bien évidemment... » Répondit-il sans conviction aucune.
Ils avaient beau être les plus optimistes possibles, la réalité de la situation leur explosait en plein visage et cette messe serait probablement la dernière qu'ils passeraient tous ensemble avant un certain temps et inutile de dire qu'après celle-ci, ils n'avaient accepté aucune invitation à un barbecue.
Les sermons du pasteur, qui étaient auparavant plein d'espoirs, étaient maintenant bien plus graves. Il parlait de fin du monde, de purge, de rédemption et lançait un appel a la prière auprès des fidèles présents. Ils annoncèrent également l'annulation des prochaines messes jusqu'à nouvel ordre par mesure de sécurité, ce lança une vague de froid dans l'assemblée. Il demanda également à tous de rester prudents, de ne sortir sous aucun prétexte et leur promit qu'ils se retrouveraient tous une fois que la pandémie se serait calmer. Il assura également que l'église accueillerait toujours les fidèles souhaitant se recueillir et insistait sur le détail de garder la foi et que c'est celle-ci qui nous sauverait. Chelsea était assise et traduisait machinalement le sermon à son frère ne pouvait en croire ses oreilles. Qui aurait pu croire, il y a de cela quelques jours, que le pays tout entier allait sombrer dans une folie indescriptibles et que même le Texas allait être touché ?
Sur le parking de l'église, Joshua, le benjamin de 15 ans, demanda ce qu'ils allaient devoir faire à présent. « Vous restez à la maison et vous attendez mon retour. » Répondit son père d'un ton ferme avant d'ouvrir la porte de la voiture et de s’engouffrer à l'intérieur. Chelsea tapota le dos de son petit frère comme si ce geste allait lui remonter le moral comme par magie et monta à son tour dans la voiture, suivit de Joshua et de sa mère. Le chemin jusqu'à la maison se fit dans le même silence lourd qu'à l'allée et personne n'osa dire un mot jusqu'à ce qu'ils aient passé le seuil de la porte d'entrée de leur demeure.
« Tu pars quand à Houston du coup Papa ? » Demanda Chelsea à son père.
« Demain matin à la première heure » Répondit-il.
« Et tu reviens quand ? » « J'en sais rien Chelsea. J'espère sincèrement être de retour dans trois semaines pour l'anniversaire de Joshua. » dit-il en baissant la tête, résigné par l'idée de son absence.
« Ça va aller Papa, comme tu nous l'as déjà dis, si le Texas devait être touché par cette épidémie, il le serait déjà. » Son père hocha la tête en signe d'approbation, bien que rien n'était sûr, ils étaient à milles lieux de penser qu'en réalité le pire les attendait.
22 Avril 2034 Chelsea n'avait pas fermé l’œil, passant des heures à regarder des vidéos des attaques subies dans le nord du pays. Tout semblait partir en vrille et c'est cette nuit là que Chelsea en pris conscience. Avant même que le soleil ne se lève, elle quitta son lit pour retrouver son père qui préparait le petit-déjeuner dans la cuisine.
« Papa... ? » Dit-elle, d'une voix tremblante.
« C'est vraiment la merde hein ? »Il leva les yeux vers elle. Ses sourcils se fronçant légèrement.
« Ne parle pas comme ça ! Ça va aller, Joshua et toi, vous allez me promettre d'aider votre mère et de faire ce qu'elle vous dis et tout ira bien. »« Mais on va faire quoi ? On reste ici et on attend que tu reviennes ? »« Oui, il y a assez de provisions pour tenir plus d'un mois et vous serez plus en sécurité ici que n'importe ou ailleurs. »« Et si l'infection arrive jusqu'ici ? »« Ça n’arrivera pas. » Répondit-il d'un ton rassurant, alors que la mère de Chelsea entra à son tour dans la pièce.
« Bonjour mes amours. » Dit-elle avant d'embrasser son mari.
« C'est presque prêt. Vous les voulez comment vos œufs, les filles ? » Demanda-t-il, cherchant a détourner l'attention de Chelsea de ses inquiétudes.
Chelsea, la mine sombre et le cœur lourd, embrassa sa mère en silence avant de s'asseoir à table avec le reste de la famille. Malgré l'ambiance paisible et les effluves alléchants du petit-déjeuner, elle ne pouvait s'empêcher de revivre les vidéos et les articles qu'elle avait visionnés toute la nuit. Son esprit était envahi par des questions sans réponse, en particulier celle de savoir comment ils allaient pouvoir continuer à survivre sans la présence rassurante de leur père. Chelsea resta silencieuse tout au long du repas, le regard perdu dans le vide, préoccupée par les pensées qui l'assaillaient. Après ce dernier repas ensemble, la famille se rassembla pour dire au revoir à leur père avec émotion, les larmes aux yeux et les cœurs serrés.
23 au 28 avril 2034 La pandémie avait pris une ampleur catastrophique, et la famille Harris vivait dans un quartier en apparence calme, mais qui n'était plus qu'une coquille vide. Chelsea, tourmentée par les informations anxiogènes qu'elle avait vues la nuit précédente, passait des journées moroses, sans motivation ni enthousiasme. Les réseaux sociaux et la télévision étaient ses seuls compagnons, l'actualité tournant en boucle, annonçant la progression inexorable de la contagion et les défaites de l'armée face aux infectés. Tout semblait s'effondrer : les écoles étaient fermées, les entreprises ne tournaient plus, les gens restaient cloîtrés chez eux, attendant un hypothétique retour à la normale.
Malgré les bombardements et les efforts des militaires pour contenir l'épidémie, rien ne semblait pouvoir l'endiguer. Les villes tombaient les unes après les autres, et le Texas était cerné, le Mexique n'étant pas épargné. Des milliers de réfugiés affluaient chaque jour dans l'État, poussant les autorités à réquisitionner des salles des fêtes et des écoles pour les héberger. Mais la situation était si critique que la quarantaine avait été déclarée dans plusieurs régions de l'État.
Chelsea cherchait désespérément à avoir des nouvelles de son père, appelant chaque soir pour s'assurer qu'il était toujours en vie. Elle avait aussi trouvé un peu de réconfort dans les appels vidéo avec Marlène, son amie de Vidor, qui traversait la crise avec autant d'optimisme que possible. Elles se racontaient leurs souvenirs et leurs projets pour l'avenir, tentant d'oublier la gravité de la situation. Mais un soir, leur appel avait été interrompu brusquement, laissant Chelsea sans nouvelles.
Elle avait alors rejoint sa mère et son frère devant la télévision, qui avait elle aussi cessé de fonctionner peu de temps après. Les Harris savaient que c'était le début de la fin, mais ils avaient décidé de ne pas se laisser submerger par la panique. Ils avaient sorti les cartes et joué ensemble jusqu'à s'endormir dans le salon, refusant de se séparer.
Le lendemain, Chelsea avait tenté de rallumer la télévision et son téléphone, mais tout était resté muet. La famille était isolée du monde, sans savoir ce qu'il adviendrait d'eux ni de la situation. L'inquiétude la tenaillait plus que jamais, mais elle était déterminée à rester forte pour sa famille et surtout pour son petit frère sourd de 15 ans qui souffrait particulièrement de la quarantaine et allait devoir fêter son anniversaire dans cette atmosphère anxiogène.
30 Avril 2034 Le matin de cette journée, des coups violents sur la porte d'entrée ont interrompu le sommeil de Chelsea et sa mère. Alors qu'elles ouvraient la porte en pyjama, leur gorge nouée par la peur d'une mauvaise nouvelle, un groupe de militaires armés se tenait dans leur jardin. Ils leur ont alors annoncé qu'ils devaient quitter leur maison dans la journée et préparer leurs affaires. Le chef de police d'Austin avait donné l'ordre de regrouper la population par quartier pour gérer la crise et contrôler la population plus facilement. Les Harris avaient pour ordre de se rendre au camp improvisé installé à Bedichek Middle School, capable d'accueillir des milliers de citoyens. Chelsea a essayé de résister, en arguant que son père allait bientôt revenir de Houston et qu'il serait seul s'ils n'étaient pas là pour l'accueillir. Mais l'un des militaires a répondu avec mépris: "Tu ne reverras pas ton père de si tôt". Les mots ont résonné dans l'esprit de Chelsea, il était hors de question de quitter leur maison pavillonnaire pour aller vivre avec des centaines d'inconnus, parqués comme du bétails. Elle, qui avait gardé son calme jusqu'ici claqua la porte au nez des visiteurs et se mit à hurler qu'elle resterait coûte que coûte chez elle. C'est après de nombreuses heures de négociation qu'elle se résigna, conformément aux instructions, a préparé un petit sac avec le strict nécessaire pour rejoindre ce camp de fortune. Ils ont dû marcher à pied jusqu'à Bedichek Middle School, car leur père avait pris la seule voiture de la famille.
À leur arrivée, les Harris furent confrontés à une scène chaotique et angoissante. Des centaines familles, comme la leur, avaient été arrachées de leur foyer et tous se retrouvèrent là malgré eux. Les enfants pleuraient, les adultes étaient à bout de nerfs et la tension était palpable. D'énormes dispositifs avaient été mis en place et tout le monde était soumis à des contrôles de sécurité rigoureux. Toutes les identités et les sacs étaient minutieusement inspectés, et chacun était soumis à un test de dépistage avant de leur donner l'accès au baraquement. La tension était palpable et l'atmosphère était étouffante et c'était après des heures d'attentes que la famille Harris fut appelé afin de se faire dépister. Chacun était appeler à son tour et emmener dans une tente minuscule où attendait des médecins protégés par des combinaisons et des masques, ils étaient bien rodés et la procédure ne prenait que quelques secondes. La population patientait ensuite dans le jardin de l'école pour ensuite être appelé a rejoindre leur dortoir, les minutes ont parus être de longues heures avant que Joshua, Chelsea et leur mère furent appelés et escorté jusqu'à l'une des salle de classe où une vingtaine de lits de camp avaient été installé. Ils allaient dorénavant devoir partager leur quotidien avec de parfaits inconnus.
6 mai 2034 Après une semaine passée à cohabiter avec une centaine de personnes aux profils variés, la vie dans le camp de fortune était loin d'être facile. Les conflits étaient inévitables et les disputes résonnaient souvent à travers les murs. Cependant, une certaine routine s'était installée dans la communauté, guidée par l'organisation militaire en place. Chacun se devait de trouver un moyen de se rendre utile pour aider à la survie du groupe. Joshua avait ainsi trouvé une place de choix en tant que "conducteur de brouette", passant ses journées à l'extérieur pour aider les ouvriers à renforcer les défenses du camp. Leur mère, quant à elle, s'était lancée dans la cuisine et se levait aux aurores chaque jour pour nourrir les résidents. Chelsea, pour sa part, se consacrait à l'éducation des plus jeunes, dispensant des cours de mathématiques et de langues de base.
Un beau matin, alors qu'elle était enfermée dans une des nombreuses salles de classe avec une poignée de petits, des cris se firent entendre à l'extérieur, au niveau des jardins. Bien que ce genre de tumulte était devenu courant, Chelsea ne put s'empêcher de se sentir inquiète. Elle tenta de garder son calme et de continuer ses explications, mais les coups de feu qui éclatèrent firent taire tout le monde dans la pièce. Elle s'avança vers la fenêtre avec précaution, craignant de voir une scène impossible a oublier. Et elle ne fut pas déçue : deux hommes, visiblement des militaires à en juger par leur uniforme, avaient attaqué un groupe d'ouvriers et deux d'entre eux gisaient sur le sol, baignant dans leur sang. Les forces armées ripostaient avec des coups de feu, mais ces hommes-là semblaient immunisés contre la douleur et la mort. Comment avaient-ils pu passer les lignes de défense et d'où venaient-ils ? Ce bâtiment avait l'air sur-sécurisé et l'idée que des infectés étaient à l’intérieur de celui-ci lui glaçait le sang. La panique gagna rapidement l'intérieur du bâtiment et les gens se bousculaient dans les couloirs. Chelsea sentit son estomac se nouer alors qu'elle se demandait si elle et les enfants seraient en sécurité.
Chelsea s'avança alors d'un pas rapide vers la porte de la pièce et ouvrit celle-ci pour y voir des groupes de personnes se bousculaient dans les dortoirs pour récupérer leurs affaires et s'enfuir. Elle referma immédiatement la porte et tenta de calmer les enfants qui lui demandèrent ce qu'il se passait. Même si l'envie de fuir elle aussi était grande, elle avait entre ses mains la vie de six enfants âgés entre cinq et huit ans, elle ne pouvait pas se permettre de les laisser tomber et se devait de les protéger du mouvement de panique qui commençait a ébranler le campement. Elle eut beau leur répéter que tout allait bien se passer et qu'il ne fallait pas qu'ils aient peur, elle ne pu contenir l’inquiétude des enfants qui réclamaient leurs parents alors que les coups de feu ne cessaient de raisonner à l'extérieur. Elle se devait de prendre une décision et vite, avant que le bâtiment entier soit à feu et à sang.
Chelsea clappa des mains pour attirer l'attention des enfants, habitude qu'elle tenait de son frère quand il demandait de l'attention. Elle les guida hors de la pièce, déterminée à retrouver leurs parents respectifs pour les mettre en sécurité. Cependant, à chaque dortoir, elle frappa en vain, aucun parent n'était présent. Les coups de feu à l'extérieur se rapprochaient et Chelsea vérifia que les enfants restaient à l'écart des fenêtres avant de jeter un autre coup d'œil dehors. Elle vit que la foule avait maintenant atteint les jardins et réclamait de quitter les lieux car l'infection avait apparemment envahi le camp militaire. Les forces de l'ordre, en revanche, avaient ordre de ne laisser personne sortir et tiraient en l'air pour disperser la foule en colère. Elle implora l'aide des retardataires pour retrouver les parents des enfants, mais ils refusèrent catégoriquement jusqu'à ce qu'elle prenne un ton sévère et les exhorte à protéger les plus jeunes qui ne comprenaient pas le danger. Enfin, deux de ses camarades de dortoir acceptèrent de l'aider et ils se partagèrent les enfants à charge. Chelsea s'occupa de Noah, un petit garçon, et de Harper, sa sœur cadette. Leurs parents travaillaient tout deux avec la mère de Chelsea dans les cuisines du sous-sol, il était donc judicieux de s'y rendre.
Une fois arrivées, Chelsea dépêcha d'expliquer à sa mère et aux parents de Noah et Harper la situation. Les coups de feu ne cessaient pas de retentir à l'extérieur et la mutinerie s'intensifiait. Les militaires tiraient maintenant sur les résidents les plus récalcitrants, créant une scène d'horreur que Chelsea ne pouvait supporter. Soudain, une pensée pour son frère traversa l'esprit de Chelsea et elle sentit ses membres se raidir.
« Joshua ! Il doit être quelque part dehors, il faut absolument le retrouver ! » s'écria-t-elle, avant de se précipiter hors des cuisines, sa mère sur ses talons.
Afin de contourner le centre du problème, qui se trouvait à l'entrée de l'école, Chelsea et sa mère sortirent par les portes arrières pour atteindre l'extérieur du bâtiment. Ils tombèrent nez-à-nez avec Joshua, qui accourait vers les cuisines pour retrouver sa mère. Ils étaient tous ensemble, enfin. Mais ils ne pouvaient pas se permettre de rester ici plus longtemps. Il fallait quitter cette zone de chaos au plus vite, alors que les militaires commençaient à exécuter n'importe qui à vue.
Ils n'eurent pas le temps de récupérer leurs affaires ni de s'organiser, mais Chelsea et sa mère réussirent à convaincre quelques autres personnes de les suivre. Ensemble, ils se frayèrent un chemin par une sortie opposée à celle où se déroulaient les émeutes et réussirent à s'échapper.
La rumeur courait que les deux militaires étaient revenus morts, sans aucune trace de morsure apparente, et qu'ils avaient été placés dans la salle de gymnastique de l'école pour que des funérailles puissent leur être rendues.
À partir de ce moment précis, la famille Harris entra dans une lutte pour leur survie. Tout au long de leur vie, ils avaient été des citoyens exemplaires, mais désormais, ils étaient des fugitifs. Retourner chez eux n'était pas envisageable, car les militaires les y chercheraient probablement. Le centre d'Austin, quant à lui, était sûrement infecté et il était trop dangereux de s'y aventurer. Ils décidèrent donc de fuir vers le sud, accompagnés de quelques autres survivants de la tuerie, sans savoir où se diriger exactement.